Nous partons pour Juta, dernier village d’une vallée accessible uniquement par une piste de terre et de rocailles. La journée étant déjà bien avancée, il n'est pas possible de trouver d'autres personnes avec qui partager un taxi (les touristes font souvent l'aller-retour dans la journée). Nous nous résignons donc à prendre un taxi tous les 2.
Nous arrivons à destination dans l'après midi. N'ayant pas prévu de quoi manger, nous décidons d'installer notre tente dans le jardin d'une auberge idéalement située au cœur des montages et au début de la randonnée que nous souhaitons entreprendre le lendemain.
L'auberge/camping est très agréable. Il y a une grande salle de restaurant, des tables de pique-nique et même un mur d’escalade. Il est possible de louer des VTTs ou des chevaux. Le jardin est décoré de drapeaux de prières, comme au Népal.


Nous retrouvons Luc, un français croisé à Kazbegi. Comme il est encore tôt, nous décidons d’aller nous balader ensemble. Nous empruntons l’unique sentier qui longe la rivière dans la vallée, que certains surnomment les "dolomites géorgiens". La vallée ressemble à un petit paradis avec la rivière qui la traverse et les chevaux que l'on croise.



Notre marche nous mène jusqu’à un petit étang. L’eau est très fraîche, nous préférons reporter notre baignade à demain. Nous rencontrons des randonneurs allemands, slovènes, bulgares...

En redescendant au logement, nous croisons un couple de VTTistes francophone pratiquant le "bikepacking". Ils voyagent avec leurs VTTs en autonomie et traversent des sections du Caucase. Ils doivent régulièrement pousser leur vélo, notamment pour passer les cols. Nous sommes impressionnés, les vélos bien qu’équipés intelligemment ont l’air lourds. La nuit commence à tomber, donc ils décident de planter leur tente à coté de la notre. Nous passerons une très bonne soirée à discuter autour d’un bon repas et du vin.
Cette fois la nuit dans la tente se passera bien, le vent ne soufflera pas.
Nous nous réveillons à l'aube pour entamer la longue journée de marche qui nous attend. Nous souhaitons rejoindre le village de Roshka de l'autre côté de la vallée. Nous avons 1200 mètres de dénivelés jusqu'au col et 1300 mètres à redescendre. De façon générale, nous préférons marcher les matins car la météo en montagne est généralement plus clémente. Le soleil n’est pas encore levé dans la vallée, il fait frais.

Nous empruntons le même chemin que la veille puis nous nous engageons dans la montée vers le Chaukhi Pass. Nous devons traverser plusieurs cours d’eau. La vallée est verdoyante, il n’y a aucun arbre. Les montagnes nous rappellent un peu les paysages de steppes du Kirghizistan.



A l’approche du col, la végétation fait place à de la roche et de l’ardoise. Les pieds s’enfoncent, la progression devient plus ardue et il devient très difficile de monter avec nos sacs à dos remplis. En repensant au couple de cyclistes, nous nous interrogeons sur la façon dont ils vont bien pouvoir passer.

Le sentier n'étant pas balisé, nous nous trompons d'itinéraire. Nous nous apercevons de notre erreur au bout de 30 minutes et revenons sur nos pas. Nous arrivons au col à 10h, malheureusement la vallée est dans le nuages, nous n'avons aucune visibilité. Le paysage est tout blanc, nous distinguons à peine le sentier pour redescendre. Nous sommes à 3 300 mètres d’altitude.
La descente est compliquée car très raide et glissante. Matthieu glisse et s’entaille le doigt. La coupure est superficielle, un pansement et ça repart ! Nous marquons une pause à la fin de la descente, arrivés dans la vallée. Nous savourons un katchapouri acheté la veille à Kazbegi et des pommes.

Nous reprenons la marche après le déjeuner. Les paysages changent. La vallée est large et immense.

Le sentier longe 3 petits lacs: le lac blanc, le lac vert et le lac bleu. Nous nous arrêtons à ce dernier. Luc parti plus tard mais sans sac nous retrouve ici. Nous nous baignons bien que l’eau doit avoisiner les 5-6 degrés... Après le repas, nous disons au revoir à Luc qui retourne à Juta tandis que nous poursuivons notre route dans la vallée.

La pente est douce, les jambes se délient. De temps en temps, il nous arrive de croiser quelques randonneurs en sens inverse. La sensation d'être seuls dans cette vallée vierge est un vrai bonheur. Le silence est parfois rompu par le glacier qui gronde.

Le sentier traverse des prairies où paissent des vaches. La descente est longue jusqu'a Roshka.


Le village de Roshka semble être encore plus isolé que celui de Juta. Il est seulement composé d'une dizaine de maisons autour de la rivière.

En arrivant au village, nous sommes invités à rejoindre 3 géorgiens installés sous un abri. Ils boivent du vin et mangent du pain et du fromage pour ralentir l'ivresse. Ils nous offrent des verres et nous proposent du chacha, de l’eau de vie de vin qui ressemble à de la vodka. Nous acceptons, pas le choix, et trinquons. L'alcool est fort et râpeux, il nous engourdit après les heures de marche que nous venons de faire. Nos compères ne parlent pas anglais donc nous essayons de communiquer en baragouinant.

Un jeune du village arrive, nous lui demandons s'il connaît quelqu’un capable de nous emmener au village le plus proche. Il nous fait signe de le suivre et nous emmène à une ghesthouse. Une jeune fille parlant parfaitement anglais nous accueille. Son père peut nous emmener à Barisko, un village voisin d’où partent les mashruktas pour Tbilissi.
Malgré le cadre agréable du village, nous prenons la décision de rentrer à Tbilissi le soir même, du moins nous allons essayer. Il n'y a aucun transport en commun aujourd'hui, les mashruktas ne passent que 2 ou 3 fois par semaine. Nous essayons de faire du stop, sans grande conviction car nous n'avons croisé aucune voiture sur le trajet Roshka-Barisko. Pourtant, au bout de seulement 5 minutes d'attente, une voiture se pointe et s'arrête à notre niveau. 2 géorgiens nous invitent à monter, ils vont jusqu'à Tbilissi ! Nous avons de la chance. Encore une fois, nous essaierons de discuter tant bien que mal avec nos covoitureurs.
Nous arrivons le soir à Tbilissi et nous nous rendons dans une auberge de jeunesse. Nous sommes épuisés mais ravis de notre journée. Le lendemain matin, un petit-déjeuner gargantuesque nous attend, c'est un régal ! Nous reprenons ensuite la route en directions de Kutaisi, la troisième ville du pays, située au centre de la Géorgie.
Adèle & Matthieu
